INTERVIEW DE JEAN-MARIE BARBIER - LA MARSEILLAISE

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« ABOUTIR À UN ACCÈS À TOUT POUR TOUS »


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Jean-Marie Barbier préside aux destinées de l'APF depuis mars 2007. Agé de 53 ans et lui-même en situation de handicap, il défend le principe d'une société ouverte à tous.

Jean-Marie Barbier, à l'heure où s'ouvre votre 41e congrès, dans quel état d'esprit se trouve le président que vous êtes ?

Ce congrès est un événement associatif majeur pour l'APF. Initialement prévu fin 2009, nous avons dû le reporter à cause de la pandémie grippale. Ce congrès était donc attendu avec impatience. C'est d'ailleurs l'un des plus grands organisés par l'APF : 1100 congressistes, dont plus de 400 en situation de handicap, 360 équipiers vont assurer des missions d'accueil et d'accompagnement. Face à cet événement, je ne peux qu'être respectueux de tous les efforts réalisés et impatient d'y être.

Votre association a changé d'image auprès du public. Elle est désormais reçue comme très dynamique...

Nous avons en effet de plus en plus de témoignages dans ce sens. Nous avons lancé fin 2010 une campagne de communication «Notre vie doit-elle se limiter aux places qui nous sont réservées ?». Avec cette campagne, nous voulons développer la notoriété de notre association tout en interpellant l'opinion publique sur la question de la place des personnes en situation de handicap dans la société. Notre communication, plus offensive, est en lien avec nos valeurs et nos actions pour les droits des personnes en situation de handicap.

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Ce congrès intervient trois ans après la manifestation à Paris de plusieurs dizaines de milliers de personnes en situation de handicap, dont l'APF était à l'initiative. Quel constat dressez-vous de la situation actuelle ?

Le 29 mars 2008, près de 35 000 personnes défilaient, avec le collectif « Ni pauvre, Ni soumis », pour demander la création d'un revenu d'existence pour les personnes ne pouvant pas ou plus travailler. Aujourd'hui, la situation ne s'est guère améliorée et les 800 000 bénéficiaires de l'Allocation adulte handicapé ou de pensions d'invalidité vivent toujours largement sous le seuil de pauvreté. L'augmentation promise de l'AAH de 25% en cinq ans a été absorbée par les nombreux frais supplémentaires qu'ont à supporter les personnes en situation de handicap : hausse du forfait hospitalier, franchises médicales, fiscalisation des indemnités du travail, déremboursement de médicaments, hausses du coût des mutuelles et de la vie. Et la réforme de l'AAH que propose actuellement le gouvernement, en plus d'alourdir les charges administratives des bénéficiaires, fait perdre 30 euros par mois à plus de 40 000 personnes.

Pourtant, la loi du 11 février 2005 était porteuse de nombreux espoirs ?
big_HANDICAPE_CHAISE_ROULANTE_ESCALIER_ACCESSIBILITE_DIFFICULTE_INTEGRATION_ADAPTATION_MEDECINE.jpgElle est effectivement porteuse de nombreux espoirs. Mais en six ans, de nombreuses remises en cause sont apparues. L'obligation de mise en accessibilité des établissements recevant du public et des transports en commun pour 2015 est ainsi aujourd'hui mise en péril par la proposition de loi Paul Blanc qui tente d'introduire des dérogations. La loi de 2005 n'a pas apporté de solution pérenne pour la scolarisation des enfants en situation de handicap. De même le droit à compensation, tel qu'il a alors été défini, comporte de nombreuses lacunes et ne remplit pas son rôle.

Pour vous, quel est l'essentiel : les ressources ou l'accessibilité ?
Il s'agit de deux sujets distincts. La question de l'accessibilité est inscrite dans la loi de 2005 et dans la convention de l'ONU relative aux droits des personnes handicapées. La mise en accessibilité de la France doit s'accompagner d'un soutien politique fort. Pour les ressources, seul un revenu d'existence à hauteur du Smic brut et soumis à cotisations permettra aux personnes en situation de handicap ne pouvant pas ou plus travailler de vivre comme, et avec tout le monde. Mais si l'on on prend l'accessibilité au sens large, cela comprend l'accès à l'environnement mais aussi aux prestations et services, à l'emploi, à l'école, à un vrai revenu, à la santé...C'est l'accès à tout pour tous auquel il faut aboutir.

Votre congrès doit adopter le projet de votre association pour les cinq ans à venir. De quoi s'agit-il ?
Ce nouveau projet associatif, « Bouger les lignes », exprime la vision de l'APF pour la société de demain : une société ouverte à tous. Quatre grandes orientations politiques guident ce projet : pour une société inclusive ; pour un renforcement de la place des acteurs de la société civile dans le champ politique, social, économique et culturel ; pour une gouvernance associative toujours plus participative et démocratique et pour une offre de service au plus près des personnes et de leurs besoins.

Avec votre attention particulière à une pleine citoyenneté pour tous, c'est finalement un véritable projet de société tirée vers le haut que votre organisation propose...
En effet. Lors de ce congrès, nous allons nous pencher sur la nécessité d'une société inclusive - conçue pour tous et qui permet à chacun d'en être acteur. C'est un véritable choix politique si l'on veut s'orienter vers une société ouverte à tous et fondée sur la justice sociale et la solidarité.

Vous devez aussi adopter un document intitulé « pacte 2012 » ? Quelle est sa vocation ?
Le pacte APF 2012 vise à interpeller les candidats aux élections présidentielle et législatives. L'APF va demander aux candidats de signer son « Pacte pour une société ouverte à tous » et de s'engager dans ce sens. Il présente douze engagements qui constituent une base incontournable pour toute politique qui veut s'appuyer sur le « vivre ensemble ». Ces engagements représentent un investissement social et économique pour notre société dans une approche de développement durable. Ce pacte s'appuie sur les droits de l'Homme et sur nos valeurs républicaines : Liberté, Egalité, Fraternité.

Entretien
Pierre Bastien - La Marseiilaise

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