Handicap et culture : deux univers trop souvent parallèles

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Fin juillet, le Sénat a publié un rapport qui dénonçait le retard pris par la France dans le domaine de l’intégration des personnes en situation de handicap dans le monde de la culture. Un cri d’alarme utile qui permet de mettre en lumière les difficultés rencontrées par des millions de Français.

Un thème absent dans la loi

Dix ans après l’adoption de la Loi handicap, le Sénat a souhaité dresser un premier bilan et appréhender le degré d’intégration des personnes en situation de handicap dans la sphère culturelle. Le rapport d’une vingtaine de pages rédigé par le groupe de travail « culture et handicap » du Sénat pointe les lacunes du texte de 2007, mais aussi les initiatives qui ont permis d’accomplir des avancées notables. Si le bilan est en demi-teinte, la cause est à chercher dans la loi elle-même. En effet, la législation ne traite pas directement de l’accès à la culture pour les handicapés mais se concentre avant tout sur les questions d’accès aux soins, de ressources et de citoyenneté. Cette carence se retrouve au niveau européen où la Stratégie européenne 2010-2020 en faveur des personnes handicapées ne mentionne même pas la culture. 

C’est pourquoi le Sénat prône 20 recommandations à adopter « sans délai » afin de changer la donne et de réparer un oubli qui laisse des millions de Français hors de portée de la culture. Parmi les principaux verrous à faire sauter, il faut compter sur le développement d’une politique tarifaire destinée aux personnes handicapées. Aujourd’hui, les musées et monuments sont libres de pratiquer le prix qu’ils souhaitent alors que des montants préférentiels sont encore trop rarement mis en place. Une récente étude montre que près de 70 % des personnes en situation de handicap aimeraient sortir davantage, mais ne le font pas pour des raisons financières (44 %), d’affluence (27 %) et/ou d’accessibilité des lieux (18 %). L’allocation adulte handicapé n’est que de 810 euros par mois et oblige à faire des choix desquels la culture est souvent exclue.

Au manque de ressources économique s’ajoute le peu de choix offerts à la pratique culturelle. Un exemple très marquant cité dans le rapport sénatorial concerne les conservatoires où des ateliers ont été créés pour les seules personnes en situation de handicap alors que la bonne approche consiste à les inclure dans des groupes « classiques ». Parfois, les élèves ont « été privés du choix de leur instrument » en raison de leur handicap. Ces impairs grossiers illustrent le chemin qu’il reste encore à parcourir dans notre pays où le handicap a été à plusieurs fois cité comme une des grandes priorités du candidat Emmanuel Macron. 

Des initiatives intéressantes, mais encore trop peu visibles

Le rapport à lui seul ne peut pas faire bouger les lignes durablement. C’est pourquoi une campagne de communication sera lancée à la rentrée afin de faire comprendre au plus grand nombre que culture et handicap ne sont pas antinomiques. Différentes initiatives sont là pour le prouver à l’image du groupe Audiens dont l’un des chevaux de bataille est l’inclusion des personnes handicapées dans le monde du travail et de la culture. Le groupe emploie plus de personnes en situation de handicap que ne l’exige la loi et se fait un point d’honneur de participer depuis plusieurs années au Festival Regards Croisés qui réunit des artistes célèbres et des comédiens moins connus et en situation de handicap.

Le ministère de la Culture n’est pas en reste avec notamment le programme « culture à l’hôpital » qui permet depuis 1999 de donner accès au monde du spectacle à des personnes physiquement éloignées de tout centre culturel. La plupart des initiatives sont toutefois le fait de particuliers et associations qui prennent à bras le corps ce sujet. La sénatrice Nicole Duranton, co-rapporteure du rapport, a expliqué devant la presse que « malgré une multitude d’actions menées sur le terrain, l’accès des personnes en situation de handicap à la culture, en particulier à la pratique culturelle, n’est pas aujourd’hui pleinement assuré ». 

Des efforts pour cartographier toutes ces initiatives doivent être mis en place afin de les développer et multiplier, car un si les bonnes volontés permettent de rendre la culture accessible, les fondations sont fragiles et la perte d’une subvention ou d’un local entraîne souvent la fin d’un projet. « Les personnes handicapées sont comme invisibles : rien n’est suffisamment fait dans leur direction et une bonne partie de la société préfère ne pas les voir » rapporte Nicole Duranton. Les pouvoirs publics ont un bilan très clair devant eux et peuvent actionner les bons leviers si la volonté de changer les choses va bien au-delà de l’affichage politique.

Article publié par le site "Social mag"

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