dommage corporel

  • Brèves juridiques de juin 2013 de PREZIOSI-CECCALDI, Avocats associés

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    Actualité du dommage corporel et de l’indemnisation

    • Première décision :

    La première a été prononcée en date du 9 avril dernier par le Tribunal de grande instance de Marseille (2ème chambre civile, RG n° 11/12273) qui avait à statuer sur les conséquences dommageables d’un très grave accident de la circulation ayant occasionné à un homme de 46 ans, en raison d’un polytraumatisme associant, notamment, un traumatisme rachidien (fracture de la 4ème et de la 5ème vertèbre dorsale) et orthopédique, une paraplégie flasque.

    Parmi les chefs de préjudice correctement indemnisés, on peut d’abord signaler les frais de logement adapté au titre desquels le Tribunal a condamné l’assureur adverse (la MATMUT) à rembourser les frais de location et d’aménagement (dans l’urgence) d’un 1er logement plus accessible ainsi que les frais d’hypothèque, notariés et d’adaptation d’un 2nd logement (maison de plain-pied), outre le surcoût financier résultant du différentiel entre les mensualités des prêts souscrits pour le logement appartenant à la victime avant l’accident et son logement actuel, surcoût qui, à lui seul, a été chiffré à hauteur de 129 324, 88 €.

    Le Tribunal nous a aussi suivis pour ce qui concerne les frais de véhicule adapté en jugeant que l’acquisition par la victime d’un véhicule de dimensions plus importantes que celles de son ancienne voiture était justifiée dans la mesure où le chargement du fauteuil roulant et des autres matériels indispensables lors des déplacements nécessitait un véhicule suffisamment spacieux ; une somme globale (surcoût d’acquisition et renouvellement tous les cinq ans) de 158 194, 18 € est ici allouée.

    L’évaluation des besoins en tierce personne est également satisfaisante, et ce, à un plus d’un titre. D’une part, le Tribunal a accordé à la victime trois heures d’assistance quotidienne supplémentaires par rapport aux conclusions de l’expert médical, portant le volume horaire journalier à 10 h 30. D’autre part, le tarif horaire de 20 € retenu pour le futur est convenable compte tenu du marché local, d’autant que les juges ont refusé de distinguer, à cet égard, entre la tierce personne active et la tierce personne de sécurité. Au final, une rente mensuelle indexée de 16 130, 26 € est accordée (déduction faite de l’allocation tierce personne dont bénéficie la victime).

    Parmi les préjudices extra-patrimoniaux, on peut relever l’indemnisation du préjudice sexuel, fixée à 40 000 € ainsi que celle du préjudice d’établissement, lié à la nécessité pour notre client et son épouse de renoncer à un projet d’adoption pour lequel ils avaient obtenu un agrément peu de temps avant l’accident et qui est réparé par une indemnité de 30 000 €.

     

    • Deuxième décision :

    La deuxième décision a été rendue le 22 mai 2013 par le Tribunal de grande instance de Montpellier (2ème chambre, section B, RG n° 12/00912). Elle concerne un jeune homme de 26 ans, paraplégique à la suite d’un terrible accident de la route provoqué par son frère après une perte de contrôle du véhicule au sein duquel la victime avait pris place en qualité de passager.

    S’agissant des préjudices patrimoniaux, à côté du remboursement des frais de permis de conduire adapté (820 €) qui était ici contesté par MACIFILIA, on retiendra surtout l’indemnisation de l’assistance par tierce personne opérée sur la base d’un coût horaire réaliste et objectif de 21 € et ce, tant pour les arrérages échus depuis le retour à domicile que pour les besoins futurs en tierce personne à propos desquels l’assureur n’offrait que 15 € de l’heure.

    En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux, il faut d’abord noter l’indemnisation du préjudice esthétique temporaire, poste de préjudice souvent occulté, qui est ici fixée à 3 000 €. Les souffrances endurées (évaluées à 6/7 par l’expert médical) retiennent ensuite l’attention car indemnisées correctement à hauteur de 40 000 €, tout comme le déficit fonctionnel permanent (fixé à 85 %) et qui est réparé au moyen d’une indemnité de 382 500 €. Signalons enfin les préjudices sexuels et d’établissement, au titre desquels l’assureur est respectivement condamné à des sommes de 35 000 € et 25 000 €.

     

    • Dernière décision :

    La dernière décision émane également du Tribunal de grande instance de Marseille (1re chambre civile, 23 mai 2013, RG n° 11/03887). Elle est doublement intéressante.

    En 1er lieu, cette décision consacre la responsabilité civile d’un établissement de soins au sein duquel une mère de famille de 55 ans a développé une paraplégie à la suite d’une intervention chirurgicale en lien avec une hernie discale lombaire.

    Le Tribunal, relayant en cela le rapport d’expertise judiciaire, retient en effet à l’encontre de cet établissement un défaut de surveillance de la patiente (notamment du personnel infirmier) qui est à l’origine du retard dans sa prise en charge et, partant, de ses préjudices.

    Le 2nd motif de satisfaction tient aux indemnités réparatrices octroyées au premier rang desquelles les 21 € retenus par les juges au titre de l’assistance par tierce personne (6 heures 30 par jour), sans distinction entre les arrérages échus et à échoir. De ce chef, pour le futur, c’est une rente annuelle de 49 822, 44 €, équivalant à un capital de 993 808, 21 € qui est allouée. Le Tribunal accepte ici aussi d’indemniser le préjudice esthétique temporaire (à hauteur de 5 000 €) ; quant au déficit fonctionnel permanent (70 %), il est réparé au moyen d’une indemnité de 210 000 €.


    Réparation intégrale et autres principes d’indemnisation

    Par une décision rendue le 16 mai dernier (2ème chambre civile, L’argus de l’assurance, 7 juin 2013), la Cour de cassation a rappelé que les victimes d’infractions pénales souhaitant être indemnisées par la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions pénales (CIVI) doivent remplir une condition de gravité. En effet, l’article 706-6 du Code de procédure pénale énonce que la victime doit avoir subi une atteinte entraînant une incapacité permanente (autrement dit, elle doit conserver des séquelles de l’infraction) ou une incapacité totale de travail égale ou supérieure à un mois. Il s’agit là d’un critère, certes alternatif, mais rigoureusement appliqué par les Juridictions.


    Responsabilité médicale

    Le médecin est responsable du suivi de ses prescriptions. Ainsi en a décidé la Cour de cassation dans un récent arrêt (1re chambre civile, 16 mai 2013, L’argus de l’assurance, 7 juin 2013). Les faits soumis à l’appréciation de la Cour suprême étaient les suivants. Un gynécologue est assigné en responsabilité civile par une de ses patientes, pour avoir tardé à diagnostiquer une phlébite cérébrale à la suite de son accouchement. Il est condamné à indemniser la victime, solidairement avec son assureur (MACSF). Tous deux se retournent alors contre l’anesthésiste, lui reprochant de ne pas avoir lui-même diagnostiqué la pathologie alors que la patiente lui avait signalé ses maux. Ce recours est rejeté en appel, les juges du 2nd degré estimant que le diagnostic de la phlébite incombait uniquement à l’obstétricien, « seul compétent pour contrôler les suites de l’accouchement ». La Cour de cassation censure cette analyse et retient la responsabilité de l’anesthésiste aux motifs que ce dernier, qui avait « prescrit un neuroleptique pour soulager la patiente, aurait dû s’informer de l’effet de ce traitement, notamment aux fins de déterminer, en collaboration avec le gynécologue obstétricien, si ces troubles étaient en lien avec l’anesthésie ou avec l’accouchement, ce qui aurait pu permettre un diagnostic plus précoce ». Elle ajoute que « lorsque plusieurs médecins collaborent à l’examen ou au traitement d’un patient, chacun d’eux doit assurer un suivi de ses prescriptions afin d’assumer ses responsabilités personnelles au regard de ses compétences ». Dont acte.


    Droits des victimes (assurances et accidents du travail)

    La garantie d’un assureur doit être sollicitée dans un délai de 2 ans à compter de la date de survenance du sinistre, sous peine de prescription, étant encore précisé qu’une demande expresse de paiement de l’indemnité prévue au contrat (par l’assuré ou son Conseil) ou la désignation d’un expert (médical, architectural, comptable…) ont un effet interruptif.

    La Cour de cassation (2ème chambre civile, 18 avril 2013, L’argus de l’assurance, 17 mai 2013) vient de rappeler que l’assureur est tenu à cet égard d’une obligation d’information et de conseil lui imposant de mentionner clairement dans sa police l’existence de cette prescription biennale ainsi que ses différentes causes d’interruption. A défaut, la prescription ne pourra pas être opposée à l’assuré. 


    Source : PREZIOSI-CECCALDI, Avocats associés

  • Brèves juridiques de mars 2013 de PREZIOSI-CECCALDI, Avocats associés

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    1. Actualité du dommage corporel et de l’indemnisation

    a) Encore deux décisions intéressantes à retenir ce mois-ci.

    • La première a été rendue par le Tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) d’Arras en date du 17 décembre 2012 (recours n° 20110339). Les faits étaient les suivants :

    Renversé par une voiture alors qu’il était à vélo, un jeune garçon de 13 ans, victime d’un polytraumatisme à prédominance crânio-encéphalique, s’est vu prescrire un séjour d'évaluation neurologique à l'hôpital de Liège, en Belgique. Son père, tuteur légal, en a régulièrement sollicité la prise en charge auprès de son organisme social de rattachement, la CPAM de l'Artois. Celle-ci lui a notifié une décision de refus aux motifs, en substance, que les soins en question nécessitaient une autorisation préalable qui n’avait pas été demandée et, en tout état de cause, qu’il s’agissait de soins programmés à l’étranger qui n’étaient pas couverts par la réglementation française.

    Cette décision a été contestée devant la Commission de Recours Amiable de la CPAM de l'Artois qui, à son tour, et pour les mêmes raisons, a rejeté la demande de prise en charge. Nous avons alors saisi le TASS d’un recours aux fins d’annulation. Par un premier jugement en date du 30 décembre 2011, il a ordonné une expertise médicale confiée à un médecin spécialiste avec mission de "Dire si le séjour d'évaluation au CHU de Liège relativement à [la jeune victime] comprend des actes qualifiables de soins dont la prise en charge est prévue par la réglementation française."

    L’expert judiciaire a procédé à sa mission et a déposé un rapport en date du 20 juin 2012 aux termes duquel "lors d'un séjour d'évaluation neurologique au CHU de Liège, les investigations complémentaires et les données de l'examen neurologique et neuropsychologique ont permis de redresser le diagnostic d'état végétatif chronique par celui d'état de conscience minimale." Il a ajouté que "toutes ces investigations sont des pratiques totalement validées pour mieux faire la part entre l'état végétatif chronique et l'état de conscience minimale " avant de conclure comme suit : "la prise en charge de soins à l'étranger relève de l'article R 322.4 du code de la sécurité sociale et ne peut être refusé puisque les soins figurent dans la pratique de soins adaptée à cette pathologie. Cette hospitalisation a regroupé des actes validés, prévus par la réglementation française." Fort logiquement, sur la base de ce rapport, le TASS, par la décision précitée, a fait droit à la demande de notre client et, infirmant la décision de la commission de recours amiable, a condamné la CPAM à prendre en charge les soins programmés en Belgique pour la jeune victime.

    • La seconde décision à relever a été prononcée par la Cour d’appel de Bastia en date du 6 février 2013 (RG n° 11/00733). 

    Tenue d’évaluer le préjudice corporel d’un jeune chef d’entreprise (38 ans) victime d’un grave accident de la route duquel il conservait, notamment, des séquelles neurologiques et neuropsychologiques très invalidantes lui valant un taux d’AIPP de 50 %, la Cour a fait preuve de pragmatisme et d’objectivité. Elle a en effet indemnisé les besoins en aide humaine de notre client (15 heures par semaine) sur la base d’un taux horaire de 20 € pour les arrérages échus et de 21 € pour les arrérages à échoir (indemnisés sous la forme d’un capital de 450 040, 50 €) en s’appuyant sur des devis locaux attestant du tarif réel de cette assistance. On peut aussi relever la somme de 444 897, 88 € qui est allouée au titre du préjudice professionnel futur dont la réalité était contestée par l’assureur (le Lloyd’s de Londres) ainsi que celle de 15 000 € du chef du préjudice d’établissement, la Cour ayant reconnu que l’utilisation d’une canne peut constituer un frein à la rencontre d’un partenaire.

    b) Un très important arrêt de la Cour de cassation (2ème chambre civile, 28 févr. 2013, pourvoi n° 12-23706) doit aussi être relevé. Il concerne la question de l’éventuelle imputation de la Prestation compensatoire du handicap (PCH), servie par les Conseils Généraux, sur les indemnités allouées aux victimes de dommages corporels, tout particulièrement sur le poste assistance par tierce personne. S’appuyant sur un vide juridique, les régleurs (assureurs, fonds de garantie, ONIAM…) prétendent de plus en plus souvent, pour réduire leur obligation indemnitaire, que cette prestation doit se déduire des sommes octroyées aux victimes. La réponse de la Haute Cour, saisie dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), est claire et précise : les personnes handicapées peuvent cumuler les indemnités réparatrices versées amiablement ou judiciairement avec cette prestation qui est dépourvue de caractère indemnitaire et dont le montant est modulé en fonction des besoins et des ressources de chaque victime. Dont acte. 

    2. Réparation intégrale et autres principes d’indemnisation

    Plusieurs décisions de la Cour de cassation doivent être signalées.

    a) La Cour suprême a d’abord réitéré son refus des barèmes d’indemnisation (2ème chambre civile, 22 nov. 2012, Gazette du Palais, 15-16 févr. 2012). L’espèce était la suivante :

    Pour le décès de leur mari et père, tué par un gendarme sous leurs yeux, l’épouse et l’enfant du défunt avaient perçu des 1ers juges, au titre de leurs préjudices d’affection respectifs, une somme de 56 000 € chacune. La Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion réduisait ces sommes respectivement à 30 000 € et 25 000 € au motif qu’il « convient de rester, malgré tout, dans les limites de certains barèmes car toute indemnisation a ses limites »…  La Cour de cassation censure à juste titre cette position en rappelant qu’en statuant par référence à un barème, sans procéder à l’évaluation du dommage en fonction des seules circonstances de la cause, la Cour d’appel a violé le principe de réparation intégrale. Ce faisant, la Haute Cour envoie un nouveau signal mettant en garde contre toute velléité de barémisation.

    b) Dans une 2nde espèce (2ème chambre civile, 13 déc. 2012, pourvoi n° 11-13014), la Cour de cassation a réaffirmé que l’action en réparation au titre d’une aggravation s’apprécie de façon autonome, sans égard aux prescriptions de l’action concernant le dommage initial ou les éventuelles aggravations antérieures. Les faits dont elle était saisie étaient les suivants. Une jeune femme est victime d’un accident de la route en 1984. Le dommage initial est consolidé en 1986 et son indemnisation intervient en deux temps, en 1988 et 1990. Une aggravation survient en 1996 ; elle est considérée comme consolidée en 1998 et définitivement indemnisée en 2004. En 2008, la victime fait état d’une nouvelle aggravation de son état de santé et en sollicite l’indemnisation. L’assureur (ALLIANZ) s’y oppose au motif que l’action ainsi engagée serait prescrite pour avoir été introduite plus de dix ans après la consolidation du premier dommage aggravé (1998). La Cour d’appel de Basse-Terre suit son raisonnement et déboute la victime, laquelle se pourvoit alors en cassation.

    La Cour suprême lui donne raison et censure l’arrêt d’appel au visa de l’article 2226 du Code civil (aux termes duquel la prescription de l’action en réparation d’un dommage corporel est de 10 ans à compter de la consolidation du dommage initial ou aggravé) en énonçant que le recours en aggravation s’apprécie en tant que tel, sans égard, du point de vue de la prescription, au dommage initial ou à une éventuelle aggravation antérieure. Cette solution tient du bon sens : suivre l’assureur serait revenu à dire qu’aucune aggravation de l’état de santé d’une victime ne peut intervenir au-delà des dix années après qu’elle ait été consolidée, ce que l’expérience dément hélas régulièrement.

    c) En matière de transaction, la Cour de cassation (1re chambre civile, 14 nov. 2012, Gazette du Palais, 15-16 févr. 2012) a rappelé un principe bien connu : seuls les postes de préjudice expressément visés dans une transaction sont revêtus de l’autorité de chose jugée et, partant, ne sont plus indemnisables (sauf aggravation bien entendu). On n’insistera jamais assez sur l’importance de la rédaction d’une transaction et, singulièrement sur la nécessité qu’elle identifie aussi clairement que possible les postes de préjudice indemnisés, en évitant l’emploi d’expressions maladroites et portant à confusion.

    d) On sait que l’article L.376-1 du Code de la sécurité sociale impose à la victime ou à ses ayants-droit d’appeler en déclaration de jugement commun les organismes sociaux (CPAM et autres) auxquels la victime est (ou était) affiliée. La Cour de cassation (chambre criminelle, 16 oct. 2012, Gazette du Palais, 22 févr. 2012) vient d’indiquer que cette mise en cause ne s’impose pas lorsque seule la réparation des postes de préjudice personnels (souffrances endurées, déficit fonctionnel temporaire, préjudice esthétique, préjudice d’agrément…) est sollicitée.

    e) Une espèce singulière retient enfin l’attention. La victime d’un accident présente un bégaiement, qui  disparaît avant la consolidation. Elle en réclame réparation. La Cour suprême (2ème chambre civile, 22 nov. 2012, pourvoi n° 11-25661) fait droit à sa demande en énonçant que ce bégaiement, qui constitue un trouble de l’élocution médicalement constaté et directement imputable à l’accident, est indemnisable, au titre du préjudice esthétique temporaire.

    Cet arrêt confirme que le préjudice esthétique temporaire doit être entendu de manière large. Il n’est pas réservé aux seuls « grands » traumatismes (grands brûlés par exemple) mais est indemnisable dès qu’il est objectivé ; il concerne l’esthétique visuelle mais aussi toute autre forme d’esthétique, par exemple vocale.

    Source : PREZIOSI-CECCALDI, Avocats associés